Voici déjà plusieurs mois que Raymond Cartier, notre infatigable reporter, travaille sur le dossier le plus ambitieux, le plus controversé, le plus explosif de sa carrière :
la réforme des menus du restaurant d'entreprise de l'Hippopotable.
Pour se détendre lors des quelques minutes de loisirs qui lui restent entre réunions de concertation avec les usagers, lecture de manuels de diététique et rencontres-dégustations avec les fournisseurs, Raymond met également la dernière main à un amusant article sur les mystérieuses soucoupes volantes qui effraient la population, intriguent les savants et font rêver bien des femmes.
Raymond Cartier n'a rien trouvé de très intéressant dans cette épave. |
Le temps est venu de livrer ses conclusions, fruit de la consultation de centaines de documents, de la vérification scrupuleuse des faits sur le terrain, et de l'ingestion de plusieurs cocktails au «Pélican Mort», un bar à marins de St-Michel Chef Chef (Loire-Atlantique).
Après des mois d'enquête, donc, Raymond Cartier est parvenu à échafauder une théorie solide, étayée par de nombreuses preuves, quasi-preuves ou absence de contre-preuves. Il l'a baptisée «Hypothèse U», avec U comme «Une hypothèse».
L'Hypothèse U
La pièce circulaire qui se trouve devant le visage du «jardinier» devrait être beaucoup plus étroite s'il s'agissait vraiment d'un motoculteur. |
En découvrant cette photo dans un article du Courrier Picard intitulé «Accident de motoculteur à Cuise-La-Motte (Oise)», Raymond Cartier a immédiatement compris qu'il avait mis la main sur quelque chose de très important et de très gras (le journal avait en effet servi à emballer un sandwich fricandelle-mayonnaise).
Une fois les taches de condiment dûment léchées, notre reporter parvint à identifier l'individu rescapé du crash de ce qui - vous l'avez deviné - n'est pas exactement un motoculteur. Il s'agit d'un ingénieur des Mines, nommé Jean-Claude Calepin.
Jean-Claude Calepin en 1958, avec son prototype de théière. Visiblement, il dérangeait les industriels en place. |
Une rapide recherche dans les archives de l'école des Mines a fourni à notre enquêteur les éléments qui manquaient à son enquête. Suite à l'échec commercial de son projet de théière, Jean-Claude Calepin a agité le poing vers la foule (ses parents, deux amis de passage et une vieille dame) en marmonnant : «Calepin : retenez bien ce nom ! Vous le lirez sur les gros titres de la presse, ou au moins en page 7 dans la rubrique Insolite !»
Il a ensuite loué pour une bouchée de pain un manoir en ruine donnant sur un complexe souterrain nazi désaffecté - et sur un complexe d'infériorité encore en service, dans la banlieue d'Amiens.
Jean-Claude Calepin habillé en ballerine lors du bal des ingénieurs introvertis (1963) |
L'enquête de Raymond Cartier est alors allée très vite, notamment parce qu'il voulait rentrer chez lui pour voir le match à la télévision. Assez de bla-bla (alors que l'époque est à l'instantané "presse-bouton" pour passer de la première à la deuxième chaine), voilà l'histoire : les soucoupes volantes étaient des prototypes de Jean-Claude Calepin, il est responsable de tout, il s'excuse pour le dérangement et aimerait rentrer en contact avec un fabriquant de cafetières pour lequel il a un projet sensationnel.
La cafetière Calepinlux, vue de l'intérieur. Une capacité unique sur le marché européen. |
Sinon, pour les entrées, l'entreprise de restauration s'engage à fournir au moins trois propositions de salades, crudités et charcuteries. Un dessert du jour sera proposé chaque jeudi, et une attention toute particulière sera portée à la qualité du vin de table, sujet qui revient souvent parmi les doléances exprimées. Le prix du repas ne devra pas excéder 6,40 NF, ce qui reste raisonnable.
P.S.
Qu'était exactement l'énigmatique créature croisée par Raymond Cartier ce soir là, alors qu'il cherchait un raccourci qu'il ne trouverait jamais ? Il se le demande souvent. |
(réclame)